Lichens

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Le lichen fruticuleux arboricole Ramalina fraxinea colonise principalement les vieux feuillus isolés.
Texte Association biodivers
Interview Prof. Dr. Christoph Scheidegger
Review Dr. Michael Dietrich (m.dietrich@bluewin.ch) & Prof. em. Dr. Volkmar Wirth


Sommaire

Résumé

On connaît en Suisse environ 1 800 espèces de lichens. Le spectre de leurs habitats est très étendu : surfaces rocheuses et murs, sols maigres, écorces d’arbres et d’arbustes ou bois mort. Ils croissent de préférence dans des endroits exposés bénéficiant de suffisamment de lumière et d’une faible concurrence avec les plantes supérieures. Les lichens montrent un potentiel de dispersion limité et une croissance très lente.

La conservation des lichens forestiers passe par la protection des forêts claires proches de l’état naturel avec peuplements anciens et par celle des vieux arbres isolés. Les lichens terricoles sont inféodés aux pelouses sèches et landes maigres à végétation clairsemée, maintenues ouvertes par un entretien régulier. Sur les quelque 800 espèces épiphytes et terricoles étudiées, presque 300 sont menacées – tout particulièrement celles qui dépendent de conditions de vie stables sur une longue période. Par conséquent, la protection des populations existantes est la mesure de conservation la plus pertinente.

Formes de croissance

Les lichens sont des champignons vivant en symbiose avec des photobiontes. Ceux-ci peuvent être des algues vertes et/ou des algues bleues (cyanobactéries). Les hyphes des champignons forment la structure des lichens, appelée thalle. Selon la forme de croissance adoptée par le champignon, on distingue les lichens crustacés (ou incrustants), fruticuleux et foliacés. Les lichens crustacés forment des thalles plats à surface lisse ou granuleuse. Ils sont solidement ancrés au substrat et ne peuvent en être détachés sans lésion. Les lichens fruticuleux forment des thalles redressés ou pendants qui sont ramifiés ou filiformes. Les thalles des lichens foliacés forment des lames ressemblant à des feuilles et sont lobés. Leur fixation au substrat est lâche et ils peuvent se détacher facilement. La classification est basée sur des critères morphologiques et ne correspond pas à leurs liens de parenté. Pour en savoir plus sur les formes de croissance des lichens Wikipedia et British Lichens

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De gauche à droite : Bacidia rubella fait partie des lichens crustacés épiphytes. Sphaerophorus globosus est une espèce protégée de lichen fruticuleux. Solorina saccata est un lichen foliacé qui colonise les fentes de rocher garnies de terre.

Eléments d’écologie pour la pratique

Le thalle – constitué des hyphes – ancre les lichens au substrat et protège les photobiontes qu’il héberge contre le rayonnement solaire intense et les prédateurs. Le champignon extrait de l’air nutriments et humidité atmosphérique et les transmet aux photobiontes. Il reçoit en retour les composés organiques que les algues et cyanobactéries fabriquent par photosynthèse. Les lichens sont consommés par de nombreux animaux invertébrés, escargots, insectes et acariens par exemple. Quelques chenilles de papillons nocturnes se couvrent de morceaux de lichens à des fins de camouflage, et de nombreux oiseaux s’en servent pour leur nid. Ces comportements favorisent la dispersion des lichens.

Les lichens sont des organismes adaptés à de fortes variations d’humidité et capables de survivre à des conditions climatiques extrêmes. Ils réduisent leur métabolisme en cas de sécheresse et le réactivent à pleine capacité lorsque l’humidité redevient suffisante. Le stade de repos permet aussi aux lichens de survivre à des périodes de froid. Leur grande capacité d’adaptation ne signifie pas pour autant que les lichens sont très résistants. Ils ne disposent pas de couche de cire protectrice, ni de stomates pouvant être fermés, ce qui peut entraîner le ralentissement de leur croissance ou leur mort en cas de pollution atmosphérique importante. En raison de cette sensibilité, les lichens sont employés depuis plusieurs décennies comme bioindicateurs de la qualité de l’air.

Les lichens poussent très lentement : leur croissance, en particulier celle des lichens crustacés, est souvent de moins d’un millimètre par an. D’autre part, un grand nombre de lichens sont capables de vivre 9000 ans. Les lichens ne peuvent atteindre cet âge canonique et connaître des populations stables que si leurs habitats montrent une grande continuité écologique, qui comprend tant les conditions microclimatiques, que celles du substrat, à savoir l’humidité, la température et les conditions de lumière. Les exigences spécifiques sont déterminées par exemple par les besoins en lumière des espèces. Les lichens sciaphiles peuvent se décolorer en cas de luminosité élevée, c’est pourquoi les actions d’entretien qui visent la mise en lumière des sites qui en abritent doivent être menées avec ménagement. A l’inverse, les espèces héliophiles peuvent mourir si elles reçoivent trop peu de lumière. Le maintien sur plusieurs décennies – ou mieux, siècles – des conditions à l’échelle des sites et la conservation des substrats sont donc déterminants pour les populations de lichens.

Reproduction et dispersion

La reproduction des deux partenaires de la symbiose (symbiotes) est complexe. Dans des conditions favorables, algues et cyanobactéries (photobiontes) peuvent survivre et se reproduire même sans partenaire symbiotique. Les champignons formant les lichens (mycobiontes), eux, n’en sont pas capables. Ils produisent des spores dans des organes spécialisés appelés apothécies et périthèces. Ces spores sont transportées par le vent ou les animaux et germent si les conditions sont favorables. Un nouveau lichen ne peut se développer que si une spore rencontre le photobionte adéquat. Les symbiotes peuvent aussi se reproduire conjointement de façon végétative. Dans ce cas, le lichen produit des excroissances de forme allongée (isidies) qui se détachent facilement ; ou il libère de petites masses granuleuses composées d’hyphes et d’algues ou cyanobactéries, les sorédies.

En raison de la lenteur de leur croissance et de leur dépendance à la continuité de leur habitat sur le long terme, les lichens n’ont qu’un potentiel de dispersion limité. De plus, la population d’origine est réduite à moins de 5% pour beaucoup d’espèces rares, ce qui rend la dispersion encore plus difficile. Des perturbations exceptionnelles – coupes rases, feu, ou atteintes conséquentes à leur habitat, par exemple – peuvent donc avoir un impact d’autant plus négatif sur ces petites populations.

Habitats et substrats

Les lichens sont présents dans toutes les zones climatiques de la Terre. On les trouve plus particulièrement dans les habitats subissant des conditions climatiques extrêmes, qui sont trop secs, trop pauvres ou trop froids pour les plantes supérieures. Les lichens colonisent une grande diversité de substrats. La nature spécifique des liens entre les lichens et leur substrat varie selon les espèces, mais la plupart d’entre elles sont inféodées à des substrats naturels.

Lichens arboricoles (épiphytes)

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Letharia vulpina pousse de préférence sur les conifères.

Les vieilles forêts claires et les peuplements anciens préservés de l’exploitation et des perturbations depuis des siècles, ainsi que les forêts jardinées – i.e. exploitées de façon durable – sont les habitats qui comptent le plus grand nombre d’espèces épiphytes. Les arbres isolés comme ceux des vergers à hautes tiges et des allées d’arbres abritent plus d’espèces que les jeunes forêts. Les lichens épiphytes colonisent principalement l’écorce des arbres, quelques espèces croissant toutefois sur les aiguilles des conifères ou sur les feuilles sempervirentes. Ils n’extraient pas de nutriments de l’arbre qui les porte (phorophyte) et ne lui nuisent pas.

Chaque espèce de lichen s’est adaptée à des conditions climatiques particulières (p. ex. luminosité, humidité atmosphérique) et à des caractéristiques du substrat précises (pH et structure de l’écorce). Si ces conditions changent, les espèces correspondantes disparaissent. Un même phorophyte présente à lui seul des habitats variés : sur l’épaisseur du tronc règnent des conditions bien différentes de celles que connaît la couronne. Le microclimat change aussi au cours du temps. Plus l’arbre vieillit, plus son écorce devient crevassée et plus elle peut retenir l’humidité. On observe ainsi à la fois une succession dans le temps et une diversité spatiale des lichens sur le phorophyte. L’existence de vieux arbres en nombre suffisant et de structures d’écorce variées est une condition indispensable à la présence d’un grand nombre de lichens épiphytes rares.

Lichens du bois (lignicoles)

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Cyphelium tigilare est un lichen crustacé lignicole.

Les lichens lignicoles peuvent pousser sur toutes sortes de bois différents. Le bois mort sur pied, en particulier, mais aussi celui au sol, offrent un substrat adéquat, en plus du bois de construction non traité. Les espèces dominantes diffèrent selon le stade de pourriture du bois. Le bois qui se décompose lentement peut être utilisé très longtemps par les mêmes lichens. La quantité de bois mort sur pied détermine la richesse de la flore lichénique lignicole dans les régions proches de l’état naturel. En laissant sur pied les arbres morts, on peut grandement contribuer à la biodiversité forestière. C’est aussi le cas dans les milieux ouverts, du moins là où il n’y a pas de risque de chute des arbres morts. En zone urbaine et dans les autres habitats ouverts, les lichens lignicoles peuvent être favorisés par l’usage de bois non traité pour la construction.


Lichens du sol (terricoles)

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La lande alpine ventée est l’habitat de Vulpicida tubulosus.

Les lichens terricoles poussent sur les sols de terre, de sable, d’humus, etc, ainsi que sur les mousses et la tourbe. Le plus grand danger qu’ils courent est l’embuissonnement. Certaines caractéristiques naturelles des stations, telles qu’une faible profondeur de sol, des valeurs de pH extrêmes, ou une dynamique de type périodique, maintiennent le caractère pionnier des surfaces sur de longues périodes. On trouve la plupart de ces espèces dans les milieux prairiaux extensifs ou sur les pelouses naturellement dépourvues de forêt, en particulier lorsque la couverture végétale est discontinue et oligotrophe, comme sur les pelouses sèches et les surfaces de gravier avec végétation rase. Les habitats alpins sont donc colonisés par les lichens terricoles si la végétation est discontinue ou s’ils comportent de petits éléments structuraux idéals comme des zones de sol écorché ou des blocs éboulés. Les prairies à avoine pubescente (Arrhenatheretum) ou les habitats plus riches et toutes les surfaces agricoles engraissées ne sont par contre pas adéquats.

Les habitats les plus important pour les lichens terricoles rares sont les suivants :

  • Prairies maigres (Mesobrometum) et stations xérothermiques (p. ex. clairières en forêt sèche)
  • Stations sèches sur silice ou calcaire du Plateau jusqu’à l’étage nival (p. ex. pelouses maigres calcaires)
  • Pelouses et landes alpines
  • Stations ouvertes inorganiques : éboulis, glaciers et cuvettes sableuses, talus de chemin
  • Tourbières, pour diverses espèces


Lichens des rochers (saxicoles)

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Ophioparma ventosa fait partie des lichens crustacés saxicoles.

Les lichens saxicoles poussent sur les roches siliceuses ou calcaires et peuvent être terrestres, amphibies, ou aquatiques. La composition chimique/minérale du substrat revêt une grande importance pour les lichens saxicoles, en particulier le pH de la surface. Les roches accueillent une flore complètement différente selon leur composition et les facteurs environnementaux (fumure par les oiseaux, infiltration d’eau, inclinaison de la surface rocheuse). Les rochers contenant des métaux lourds sont colonisés par une flore lichénique très spécifique adaptée à ces conditions : les lichens métallotolérants. Les substrats les plus importants pour les lichens saxicoles sont les suivants :

  • Rochers
  • Blocs (éboulés)
  • Blocs erratiques
  • Eboulis
  • Substrats anthropogènes : murs en pierres sèches (le cas échéant également murs maçonnés), tuiles des toits et objets en pierre, p. ex. monuments historiques et croix mortuaires

Conservation et promotion

Mesures générales

La protection des populations existantes est prioritaire par rapport à la création de nouveaux habitats. Les dynamiques naturelles doivent cependant être autorisées et, dans la mesure du possible, restaurées – en revitalisant les cours d’eau par exemple. Dans les habitats qui ont perdu leur dynamique naturelle, une exploitation extensive avec des périodes de révolution longues ou un entretien ciblé sont nécessaires pour conserver une bonne richesse structurale et une luminosité intense. Les éléments paysagers déjà colonisés doivent pour ce faire être rendus pérennes dans tous les habitats. Le problème principal des lichens étant l’homogénéisation du paysage, leur promotion exige une approche intégrée (gestion des écosystèmes). Les mesures de conservation ciblées doivent être élaborées sur la base des populations connues ou supposées. Des synergies avec les mesures en faveur des champignons et des mousses sont aussi parfois possibles.

Les mesures suivantes favorisent la protection et la dispersion des lichens dans tous les habitats :

  • Protection des populations existantes, i.e. du biotope environnant
  • Mise en réseau des biotopes sur de grandes surfaces pour la conservation et l’expansion des espèces isolées
  • Restauration des dynamiques naturelles de l’écosystème dans les forêts, les marais et cours d’eau, les éboulis et les talus
  • Conservation et promotion de la diversité structurale à petite échelle dans tous les habitats
  • Continuité sur de longues périodes de l’exploitation et de l’entretien, idéalement sur plusieurs siècles
  • Création et entretien à long terme de stations pionnières (artificielles)
  • Diminution des quantités d’engrais, de biocides et de substances polluantes relâchés dans l’air, l’eau et le sol

La prise en compte des lichens lors d’interventions de grande ampleur, telles que coupes de bois ou constructions, est également déterminante pour leurs populations. Si on soupçonne la présence d’espèces rares, il faut contacter les experts du centre de données SwissLichens ou d’autres spécialistes des lichens.

Arbres et buissons : lichens épiphytes

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Les vieux noyers (Juglans) en zone agricole constituent l’habitat de lichens héliophiles.

Création de réserves

L’aménagement de réserves interdisant toute exploitation ou instituant une exploitation extensive est une mesure d’une grande importance pour la protection des espèces rares. Comme les lichens dépendent de la continuité écologique sur des périodes particulièrement longues, la protection absolue des processus naturels en forêt constitue pour eux une stratégie appropriée. Il faut aussi prendre en compte la présence de lichens rares dans les environs immédiats des réserves forestières et, si possible, étendre ces dernières.

Sylviculture extensive proche de la nature et allongement de la période de révolution

Les études montrent que l’allongement de la période de révolution à 120 ans au moins peut augmenter la diversité des lichens épiphytes et de ceux colonisant le bois mort. Certaines espèces épiphytes ne peuvent s’établir que sur des chênes âgés de 90 voire 200 ans. Les interventions d’entretien nécessaires doivent être adaptées au mode de sylviculture, rétablir une structure des âges mélangée et remettre en lumière la forêt. Les modes de sylviculture extensifs comme la forêt jardinée ou le taillis sous futaie doivent être privilégiés.

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Conservation et désignation d’arbres biotopes et d’îlots de sénescence

Lorsqu’on veut conserver les phorophytes, il faut prendre en compte les différentes phases temporelles et protéger ou planter des arbres de remplacement assez tôt dans les environs immédiats. C’est la seule façon d’assurer une population continue de vieux arbres sur plusieurs siècles. Les études montrent que les troncs épais et âgés abritent un plus grand nombre de lichens menacés que les plus fins. Les espèces menacées d’extinction se trouvent surtout sur les troncs mesurant au moins 38 cm de diamètre à hauteur de poitrine (DHP). La présence de lichens prioritaires pour la conservation est le critère décisif pour désigner les arbres biotopes. Dans le Kanton canton de Lucerne, par exemple, ceux-ci sont enregistrés séparément et compensés financièrement. Les critères de qualité du canton de Soleure contiennent des recommandations pour la protection des îlots de sénescence.

Protection des vieux arbres isolés, allées et vergers

Les vieux arbres isolés, les arbres fruitiers à haute tige, les arbres des allées et les haies peuvent constituer des habitats précieux pour des lichens fortement héliophiles, d’une part ; d’autre part, ils peuvent représenter un habitat de remplacement pour les espèces de forêt claire ou de lisière. Les mesures de protection de la flore lichénique poussant sur les arbres hors forêt sont les suivantes :

  • Conservation et promotion des haies arborées, des allées d’arbres et des fruitiers à haute tige
  • Abandon du nettoyage mécanique et du traitement à la chaux des arbres fruitiers
  • Maintien ou création de surfaces exploitées extensivement comprenant des arbres isolés
  • Protection des arbres en milieu ouvert par des inventaires (loi sur l’aménagement du territoire)
  • Promotion des feuillus en milieu ouvert
  • Abandon du pâturage intensif et de l’épandage d’engrais et de biocides à proximité des arbres colonisés par les lichens

Sauvegarde des forêts et peuplements âgés

La sauvegarde des forêts et des peuplements âgés est d’une importance prioritaire pour la protection des lichens, indépendamment de leur utilisation. Dans les vieilles forêts qui perdurent depuis des siècles et qui ont été exploitées en forêt permanente ou en forêt jardinée, les arbres relativement jeunes sont également riches en lichens. Les vieux phorophytes et la végétation lichénique correspondante manquent dans les forêts plantées il y a 150 ans ou qui ont subi des perturbations importantes (p. ex. taillis) à cette époque.

Informations de base


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Le Lichen pulmonaire Lobaria pulmonaria (à gauche) et l’Usnée très longue Usnea longissima (à droite) sont tous deux inféodés aux vieilles forêts (de montagne) non perturbées et proches de l’état naturel.

Prêter attention au potentiel de phorophyte des arbres à planter

Lorsqu’on remplace des arbres ou qu’on en plante de nouveaux dans les allées, les parcs, etc. il faut favoriser les essences indigènes et adaptées à la station.En milieu ouvert, ce devraient être des essences feuillues adaptées à l’altitude et aux conditions spatiales, à l’exception du hêtre (Fagus). Il faut garder à l’esprit qu’on ne peut pas comparer la richesse spécifique des arbres et arbustes avec celle des lichens : les forêts d’épicéas en montagne peuvent être extrêmement riches. Il n’en reste pas moins vrai que plus la diversité des substrats est élevée, plus le potentiel l’est aussi pour une riche flore lichénique. La diversité des lichens augmente aussi avec celle de la structure du milieu à petite échelle, comme des branches mortes dans la couronne. De petits éléments structuraux rares peuvent de ce fait s’avérer décisifs pour l’existence de lichens rares. Les marronniers (Aesculus) et les platanes (Platanus) ne conviennent pas comme phorophytes.

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Informations de base

Conserver les branches et arbres mortsn

Lichens et mousses sont capables de survivre quelques temps sur les branches et arbres morts si l’écorce est conservée. Une fois que l’écorce est tombée, une riche végétation de lichens lignicoles, y compris des espèces rares, peut s’installer sur les troncs et les souches hautes, le cas échéant sur des douzaines d’années, selon la pérennité du bois. Si des raisons de sécurité obligent à tailler les arbres, il faut commencer par la couronne afin de conserver les populations présentes sur le tronc. Les branches coupées peuvent être entassées en pyramide à proximité. Il est très important de placer la pyramide de branches à un endroit où les conditions microclimatiques correspondent au phorophyte. Le tronc des arbres peut même servir de support pour cette pyramide. Il faut cependant faire évaluer par des experts la possibilité que cette mesure endommage des espèces épiphytes rares du tronc. Cette mesure est également appropriée comme solution d’urgence dans les cas où des parties de tronc ou de couronne comportant une flore épiphyte rare sont éliminées par inadvertance.

Littérature

  • Dujesiefken, D. & Wurst, C. (2014). Wenn Bäume als Lebensstätten geschützter Arten nicht mehr verkehrssicher sind: Welche Lösungswege gibt es? Jahrbuch der Baumpflege 2014, Haymarket Media, Braunschweig, S. 206-213.
  • Stetzka, K. M. (2016). Moose und Flechten auf Stadtbäumen – Schutzbedürftige Baumgäste oder zu beseitigender Fremdbewuchs?. Dresdener Stadtbaumtage.

Transplantation

La transplantation de fragments de lichens sur de nouveaux phorophytes peut sauver des espèces rares de l’extinction. Une transplantation est nécessaire si la distance jusqu’au prochain phorophyte est trop grande ou si des phorophytes doivent être abattus. Comme les exigences de chaque espèce de lichen sont très spécifiques en ce qui concerne la structure à petite échelle et les conditions microclimatiques, la transplantation ne doit être pratiquée que par des spécialistes. Dans le pire des cas, une transplantation mal menée peut même affecter des lichens ou des mousses encore plus rares. Si on découvre des lichens rares sur un arbre tombé, il faut en informer les experts du centre de données SwissLichens, ou d’autres spécialistes de ces organismes, qui peuvent prendre les éventuelles mesures de sauvetage nécessaires.

Bois mort : lichens lignicoles

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Les forêts de montagne proches de l’état naturel comportant bois mort couché et sur pied comptent parmi les habitats les plus importants pour les lichens.

Augmentation du volume de gros bois mort

Une quantité suffisante de bois mort – sur pied surtout, mais aussi au sol – d’âges et de stades de décomposition très variés est importante pour la conservation d’une végétation lichénique riche. Les troncs qui ne reposent pas entièrement au sol montrent ainsi une grande variété de conditions sèches et humides. Il n’existe pas d’études préconisant un volume de bois mort idéal pour les lichens. Selon les connaissances actuelles, la recommandation de BirdLife Suisse pour les champignons indiquant au moins 60 m³/ha est cependant valable.

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Conservation et construction de granges et clôtures non imprégnées

Les granges, les toits en tavillons, les clôtures, les étais pour les arbres fruitiers, les piquets de vigne et d’autres objets en bois peuvent remplacer le bois mort comme habitat. Le bois ne doit pas être imprégné ni peint, ni, si possible, nettoyé par la suite.

Littérature

  • Wirth, V. 2002. Indikator Flechte: Naturschutz aus der Flechten-Perspektive. Stuttgart. Staatl. Museum für Naturkunde.

Terre, sable, et humus : lichens terricoles

Pâturage par du bétail léger et hauteur de coupe adaptée

Un entretien régulier pour maîtriser l’embuissonnement est indispensable dans les prairies et pâturages. Moutons et chèvres conviennent mieux que chevaux et vaches, car ceux-ci, par leur poids plus important, causent des dégâts plus conséquents dus au piétinement. Lorsque c’est possible, il faut poser une clôture pour protéger du piétinement les endroits où poussent des lichens terricoles. La fréquence de la fauche importe peu pour les lichens, au contraire de la hauteur de coupe, qui doit y être adaptée. Il faut maintenir la continuité d’utilisation le plus longtemps possible.

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Les lichens terricoles ont besoin de trous dans la végétation pour se développer, comme ici dans une prairie sèche extensive.

Conservation et promotion des prairies et pâturages maigres et secs

Les sites les plus secs des prairies et pâturages secs hébergent de nombreux lichens terricoles et champignons rares. Les pelouses thermophiles sur calcaire et les pelouses sèches clairsemées de type steppe rocheuse qui comprennent des niches rocheuses doivent en particulier être conservées. Quelques espèces très rares de lichens poussent sur les pelouses maigres siliceuses. Les blocs erratiques et les rochers présents dans les prairies maigres revêtent une importance particulière pour les lichens saxicoles. Les endroits où une couche de terre fine s’est accumulée sur les blocs offrent aussi un habitat précieux à des lichens terricoles rares. Il faut laisser les rochers en l’état et protéger les lieux contre le boisement ou un abandon de l’exploitation.

Liens

Conservation de zones de sol nu lors d’enherbements

Lorsqu’on procède à un enherbement, il faut créer une structure en mosaïque et laisser de petites zones de sol nu. L’apport de pierres ou de sédiments fins est judicieux pour maintenir ces surfaces ouvertes. L’enherbement direct est à préférer à la technique de l’herbe à semence, car cette dernière peut recouvrir le cas échéant la végétation au sol existante.

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Création de nouveaux sites pionniers par décapage

Sur les sites légèrement en pente orientés au sud qui ne se boisent pas ou seulement très lentement, des trous sont créés dans la végétation par décapage du sol. Cette méthode est appropriée par exemple pour les prairies sèches, les talus d’autoroute et de chemins de fer. La disposition de petits éléments comme des tas de pierre ou de branches peut créer une structure variée.

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Abandon du paillage

Les lichens terricoles ne sont généralement pas capables de survivre sous une couche de paillage (« mulch ») ou de litière, car la photosynthèse des photobiontes est perturbée. De plus, l’apport en nutriments accroît la concurrence avec les plantes vasculaires. Pour ces raisons, il faut renoncer au « mulch », aux végétaux hachés et à la litière.

Marais : lichens épiphytes et terricoles

Entretien extensif (débroussaillage, fauchage) dans les tourbières

Pour les lichens rares, les tourbières ont plus d’importance que les bas-marais. On trouve les lichens épiphytes principalement sur le Pin à crochets (Pinus mugo) et les bouleaux (Betula), dont le pubescent. Les lichens terricoles occupent surtout les endroits surélevés secs comme les bultes ou les murs d’exploitation de la tourbe. Les espèces pionnières colonisent les surfaces de tourbe nue ou les zones récemment atterries, tandis que d’autres espèces ne poussent que sur des substrats relativement anciens. Les mesures recommandées pour la protection des lichens des tourbières sont les suivantes :

  • Conserver les bultes et les murs d’exploitation de la tourbe
  • Eviter de pénétrer dans les marais, respecter les interdictions
  • Eviter la fumure dans les marais, définir des zones tampons et les respecter
  • Mener des actions d’entretien (débroussaillage, fauche) peut conserver artificiellement les stations pionnières, mais elles doivent être effectuées par ou sous la conduite de spécialistes

Rochers et falaises : lichens saxicoles

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Les éboulis non perturbés sont des habitats de valeur pour les lichens saxicoles.

Conservation des conditions de luminosité sur les rochers et blocs erratiques

Les lichens saxicoles courent le risque que l’embuissonnement réduise la luminosité. Il faut restaurer les sites autrefois lumineux en éliminant les plantes ligneuses. Il convient toutefois de maintenir les sites ombragés dans les endroits exposés au nord. Les autres mesures pour la protection des lichens sur les rochers et les falaises sont les suivantes :

  • Dégager les petites zones saillantes dans les pelouses maigres
  • Eliminer les feuilles mortes au pied et au sommet des falaises pour éviter la formation d’humus et son enrichissement
  • Conserver les ligneux isolés apportant de l’ombre

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Respecter les interdictions d’escalade, ne pas gravir les blocs erratiques

Les blocs erratiques sont des habitats importants pour certains lichens et mousses rares, en particulier ceux du Plateau, peu nombreux. Pour protéger les populations existantes, on doit respecter les interdictions d’escalade et ne pas quitter les voies.

Informations générales

Conservation des rochers au bord et dans les cours d’eau

Une riche flore muscinale et lichénique peut se développer sur les rochers siliceux temporairement immergés au bord des cours d’eau ou dans leur lit. La tolérance à la durée de l’immersion diffère quelque peu selon l’espèce, en l’absence de pollution par des eaux usées ou des engrais. Les habitats le long des cours d’eau et des sources à l’air libre doivent être conservés. Dans les cas où on ne peut renoncer à un aménagement des cours d’eau, il faut autant que possible utiliser des pierres naturelles sans mortier – enrochements et épis par exemple. Il faut conserver les pierres couvertes de lichens présentes dans le lit et ne pas les employer pour l’aménagement.

Conservation des sites pionniers naturels et constitution d’éboulis dans les carrières

Les éboulis, cônes d’avalanches, marges glacières et couloirs de chutes de pierres perdurant sur le long terme sont des habitats qui présentent une très grande variété de lichens en raison de leur diversité structurale élevée. Les lichens ont besoin de beaucoup de temps pour coloniser un site. Ces zones doivent donc demeurer intactes et les carrières abandonnées conservées sur des dizaines d’années. Les escarpements rocheux de grande étendue sans éboulis adjacent conviennent bien à la création de sites pionniers restant libres de ligneux sur une longue durée sans entretien régulier. Lorsque les habitats naturels ou secondaires des lichens doivent subir des modifications, une discussion avec les experts est indispensable pour protéger les espèces rares.

Liens


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De gauche à droite : murs en pierres sèches, vieilles tuiles et anciennes constructions, comme les remparts de la Musegg à Lucerne, peuvent abriter des espèces rares de lichens. Pour les protéger, il est donc recommandé de consulter des experts lors de travaux de réparation ou de construction.

Emploi de pierres naturelles et conservation des monuments historiques

Les espèces de lichens rares peuvent se développer sur une très grande variété de pierres naturelles utilisées par les humains : tuiles, calvaires, bornes, pierres tombales et pavés. Les monuments historiques – tels que les églises, les châteaux et les ruines – et les vieux murs en pierres sèches sont particulièrement intéressants pour les lichens. Les lichens peuvent protéger de la dégradation les pierres sur lesquelles ils poussent et ils ne les endommagent que dans de rares cas où la pierre est très tendre ou très riche en calcaire. Une expertise permettant d’élaborer un concept de restauration et de protection est recommandée avant de restaurer les bâtiments et installations historiques. Les mesures recommandées pour protéger les lichens rares des pierres naturelles en milieu bâti sont les suivantes :

  • S’abstenir de nettoyer
  • Lorsque le nettoyage est indispensable, celui-ci doit être effectué délicatement (sans nettoyeur haute pression ni jet de sable) et par portions
  • Réutiliser les pierres et tuiles historiques colonisées par les lichens, en les plaçant dans le bon sens (face colonisée en haut)

Liens

Informations de base

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Les quelques stations de Leptogium hildenbrandii doivent être protégées par la conservation des phorophytes et une quantité suffisante de feuillus en milieu ouvert.

Protection des espèces

Des actions sont requises pour de nombreuses espèces de lichens. Les données actuelles sur les menaces, la répartition et le statut de protection en Suisse sont publiées sur SwissLichens. Depuis 2014, les données géographiques des observations de tous les groupes d’organismes sont intégrées dans la base de données du projet « Virtual Data Center » VDC, pour qu’elles puissent être prises en compte dans les projets relatifs à la protection de la nature. Cette base de données doit en particulier répondre aux besoins des services cantonaux. Les données ne sont pas accessibles au public. Si l’on soupçonne la présence de lichens protégés, il faut contacter les experts du centre de données SwissLichens. Il n’existe pas encore de liste des priorités pour la mise en œuvre de mesures de protection concrètes pour les lichens saxicoles et lignicoles. Pour les lichens épiphytes et terricoles, les priorités suivantes sont recommandées :

En outre, les cantons de Berne et Uri ont élaboré leurs propres listes de priorités :

La mise en œuvre de mesures de conservation spécifiques nécessite de faire appel à des spécialistes disposant de bonnes connaissances sur les espèces, car les mesures peuvent aussi avoir des effets négatifs, selon les espèces. Concernant les espèces dont la présence et la taille des populations n’ont pas été bien étudiées, les mesures doivent être orientées sur les besoins des espèces cibles (en premier lieu les espèces prioritaires au niveau national) qui pourraient être présentes. A cet effet, il faut à l’avenir réaliser des cartes potentielles pour la planification des mesures. Il existe déjà de cartes exemplaires pour la Suisse, prenant en compte le changement climatique et la structure de la forêt pour chaque espèce de lichen.

Menaces

Les lichens font partie d’un groupe d’organismes dont la présence est, en partie, bien connue, mais dont la taille des populations est relativement mal étudiée. La Liste Rouge des lichens menacés de Suisses (2002) ne traite que 786 espèces épiphytes et terricoles connues, dont 75% sont liés à la forêt. La Suisse porte une très grande responsabilité internationale pour 8% des lichens menacés. Le degré de menace des groupes lignicole et saxicole représentant ensemble quelque 1 000 espèces n’a été étudié que marginalement. On ne dispose pas encore de Liste Rouge les concernant pour la Suisse. Les facteurs de menace les plus importants pour les lichens sont les changements et pertes d’habitats en général ainsi que la pollution atmosphérique. Les impacts de la pollution dus aux taux élevés de dioxyde de soufre ont pu être fortement réduits ces dernières décennies. Ce sont aujourd’hui, en particulier, les polluants atmosphériques à effet eutrophisant – comme les composés azotés produits par l’élevage industriel et ceux provenant de l’épandage d’engrais sur les surfaces agricoles – ainsi que les émissions du trafic automobile qui portent préjudice aux populations de lichens.

Les facteurs de menace les plus importants pour les lichens épiphytes et lignicoles sont les suivants :

  • Manque de vieux arbres dû à des temps de révolution trop courts, à un entretien intensif et aux coupes rases
  • Monocultures, notamment de pins, Epicéas et Sapins de Douglas
  • Manque de bois mort, notamment de troncs entiers
  • Elimination des vieux arbres fruitiers à haute tige et des « arbres vedettes » (fûts plus âgés et plus élevés dans les haies)
  • Abattage des arbres isolés et des allées d’arbres

Les facteurs de menace les plus importants pour les lichens terricoles sont les suivants :

  • Manque de sites pionniers dans la zone agricole
  • Drainage des sites humides, surtout des tourbières extrêmement pauvres en nutriments
  • Correction du cours des rivières, entraînant la disparition de la dynamique naturelle des zones alluviales, nécessaire à la végétation pionnière
  • Nivelage du sol pour la construction de pistes de ski
  • Remplacement des murs en pierres naturelles par des murs en béton, élimination des dalles en pierre et asphaltage croissant
  • Eutrophisation croissante (enrichissement excessif en nutriments) de notre environnement
  • Augmentation des concentrations de CO2 dans l’atmosphère

Ce qu’on ignore encore

  • Connaissances sur les espèces amphibies et aquatiques des sources et des torrents
  • Tailles des populations de lichens, notamment lignicoles et saxicoles
  • Etudes comparatives de la biodiversité lichénique en Suisse dans les forêts anciennes et récentes montrant une diversité structurale et un cortège d’essences comparables.
  • Méthodes efficaces pour transplanter les lichens fruticuleux et crustacés
  • Influence du tourisme de montagne, notamment VTT et escalade

Exemples pratiques

Liens généraux

Littérature recommandée

  • Wirth, V. (2002). Indikator Flechte: Naturschutz aus der Flechten-Perspektive. Stuttgart: Staatl. Museum für Naturkunde.
Le livre donne un aperçu des menaces pesant sur les lichens et de leur conservation dans le sud-ouest de l’Allemagne. Pour chaque habitat/substrat à lichen, la publication présente, outre les généralités, les groupes d’espèces concernés, les espèces indicatrices, les menaces et leurs causes. Des recommandations pour des mesures et des standards minimaux, ainsi que des exemples de l’Allemagne du sud fournissent une base pour la conservation des lichens sur le terrain.
  • Kirschbaum, U. & Wirth, V. (2010). Flechten erkennen - Umwelt bewerten. 3., Vollst. neu bearb. Aufl. Umwelt und Geologie. Wiesbaden. Hessisches Landesamt für Umwelt und Geologie.
Introduction, concise mais de grande qualité, à la biologie, à l’écologie et aux critères de détermination les plus importants des lichens. On y trouve les portraits par ordre alphabétique des espèces les plus importantes/fréquentes traitées dans la clé, portraits qui présentent les caractères morphologiques et les critères permettant de distinguer les espèces semblables – particulièrement utiles aux débutants. On y trouve également des informations sur l’écologie (y compris la sensibilité aux polluants) et la fréquence des espèces.

Bestimmungshilfen

L’ouvrage fournit des informations circonstanciées sur la répartition en Allemagne et illustre aussi les 700 espèces.

Auteurs

Texte Association biodivers info@biodivers.ch
Interview Prof. Dr. Christoph Scheidegger Eidg. Forschungsanstalt für Wald, Schnee und Landschaft WSL
Review Dr. Michael Dietrich Umweltbüro für Flechten in Kriens (m.dietrich@bluewin.ch)
Prof. em. Dr. Volkmar Wirth Staatliches Museum für Naturkunde Karlsruhe