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Plusieurs espèces de mousses poussent sur cet Erable sycomore (Acer pseudoplatanus), parmi lesquelles la Taylorie de Rudolphi (Tayloria rudolphiana), une espèce rare.
Text Association biodivers
Interview Dr. Ariel Bergamini
Review Dr. Norbert Schnyder


Sommaire

Résumé

On connaît au moins 1 100 espèces de mousses en Suisse, mais leur taille minuscule fait qu’elles passent souvent inaperçues. Les mousses remplissent des fonctions écosystémiques importantes, par leur grande capacité à stocker l’eau par exemple, ou leur statut de plantes pionnières protégeant le sol de l’érosion. Les mousses sont souvent particulièrement abondantes dans les milieux forestiers et marécageux, mais les prairies, les pâturages et les chaumes constituent aussi des habitats importants. Les tourbières doivent même leur existence aux mousses, vu qu’elles sont composées en grande partie de sphaignes.

En Suisse, presque 40% des espèces de mousses sont menacées. La perte des habitats et la détérioration de ceux qui restent sont les plus grandes menaces. Des mesures de renaturation et revalorisation des milieux sont donc impératives. Cependant, de petites mesures locales permettent aussi de conserver de nombreuses espèces : Laisser plus de bois mort couché en forêt ou créer des jachères en zone agricole sont de bons exemples. L’exploitation extensive des prairies et pâturages est également bénéfique pour de nombreuses mousses.

Systématique

En Suisse, on connaît actuellement 1 105 espèces de mousses (bryophytes), qui sont, à quelques exceptions près, indigènes. Sur la base de leur parenté, les bryophytes sont classées en trois groupes qui se distinguent clairement par leur morphologie :

  • Mousses au sens strict (Bryophyta) : La structure anatomique des mousses au sens strict est toujours organisée en tiges et feuilles, et comporte des radicelles ramifiées (rhizoïdes). Les plus de 800 espèces de mousses au sens strict composent le plus grand groupe de mousses de Suisse.
  • Hépatiques (Marchantiophyta) : Les hépatiques sont soit organisées en tiges et feuilles, comme les mousses au sens strict, soit forment des thalles. Les hépatiques à thalles présentent une structure aplatie lobée ou bifurquées. Les hépatiques à thalles et celles à feuilles ont des rhizoïdes non ramifiés. Avec un peu moins de 260 espèces, le groupe des hépatiques est le deuxième plus grand.
  • Anthocérotes (Anthocerotophyta) : L’aspect des anthocérotes rappelle les hépatiques à thalles, mais elles s’en distinguent facilement par leurs sporophytes en forme de corne. 3 espèces d’anthocérotes sont présentes en Suisse. On les trouve principalement dans les surfaces agricoles.


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De gauche à droite : On a récemment découvert une nouvelle espèce de mousse s.s. au Tessin et en Appenzell, baptisée Orthotrichum dentatum. Le Coprinet conique (Conocephalum conicum) est une espèce d’hépatique fréquente. L’Anthocérote des champs (Anthoceros agrestis) est l’une des trois espèces d’anthocérotes de Suisse.


Eléments d’écologie pour la pratique

Les mousses ne mesurent que quelques centimètres mais peuvent parfois couvrir des surfaces étendues, notamment sur le sol des forêts, ou dans les marais. Les rhizoïdes filiformes servent en premier lieu d’ancrage sur le substrat, dans une moindre mesure à l’absorption de l’eau. Les mousses sont capables d’absorber l’eau et les nutriments directement par les feuilles ou par toute la surface du thalle. Les feuilles et les thalles n’ont souvent qu’une cuticule (couche cireuse) peu développée et sont normalement très fins. De plus, les feuilles ne comportant pas de stomates, les mousses ne peuvent quasiment pas réguler leurs pertes en eau par évapo-transpiration. C’est la raison pour laquelle elles se dessèchent vite par conditions atmosphériques sèches, tout en survivant sans problème aux périodes de sécheresse lorsqu’elles se trouvent dans un stade de repos. Quelques espèces sont même capables de survivre pendant des années sans eau. Cependant, de longues périodes sèches peuvent endommager les bryophytes des sites humides ou mouillés (marais, cours d’eau), voire les faire mourir.

Dans les habitats où les mousses sont abondantes, elles peuvent stocker de grands volumes d’eau (rétention). Elles contribuent par conséquent à écrêter les crues lors de fortes précipitations, tandis que lors de sécheresses, au contraire, l’eau s’évapore lentement. Cette rétention d’eau est particulièrement marquée dans les tourbières. Les sphaignes qui constituent les tourbières peuvent contenir une quantité d’eau particulièrement importante. Les tourbières jouent donc un rôle d’éponge dans le paysage. La rétention de l’eau par les mousses protège aussi les sols de l’érosion. En outre, elle confère aux bryophytes une influence déterminante dans le climat forestier. Des études très récentes montrent qu’elles jouent également un rôle indirect dans la fixation de l’azote, en servant de substrat à des cyanobactéries épiphytes fixatrices d’azote. En plus de leur influence significative sur les conditions abiotiques régnant dans leurs habitats, les mousses servent elles-mêmes d’abri et d’habitat à des insectes, escargots, reptiles, et micromammifères. Les oiseaux les utilisent aussi volontiers pour garnir leurs nids. Informations supplémentaires sur l’importance des mousses dans l’écosystème

Reproduction et propagation

La reproduction des bryophytes est complexe. La plupart d’entre elles peuvent se reproduire tant par voie sexuée qu’asexuée (végétative). Lors de la reproduction sexuée, des petites spores unicellulaires se forment dans des capsules. Elles sont emportées par le vent, qui les disperse facilement. La reproduction végétative est possible pour presque toutes les espèces de mousses, par exemple sous forme de parties de plante qui se détachent et se développent en nouvelles plantes. Beaucoup d’espèces forment en outre des organes végétatifs spéciaux pour la propagation, comme des propagules ou des feuilles amovibles spécialisées. C’est moins le vent que les animaux auxquels elles restent accrochées, ainsi que l’eau de pluie, qui les dispersent. Des études ont montré que les hépatiques pratiquant la reproduction végétative ont en général une distribution plus vaste que celles ne la pratiquant pas. On suppose que les premières sont également moins menacées. Des informations supplémentaires sur la reproduction des mousses sont disponibles sur les sites suivants :

Les bryophytes ne dépendent pas d’un sol élaboré et elles peuvent coloniser rapidement de nouveaux sites. On les décrit donc aussi comme des plantes pionnières. Généralement, il semble que les espèces qui produisent des spores relativement petites peuvent se propager facilement dans le paysage. La dispersion des mousses qui ne se reproduisent que de façon végétative semble limitée, en tout cas pour les espèces épiphytes. C’est probablement vrai aussi pour les espèces qui produisent de très grandes spores.

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La forêt constitue l’habitat le plus important pour les bryophytes

Habitats et substrats

Les mousses ont en moyenne des aires de répartition très grandes. Les endémiques sont donc rares. Si on considère les espaces biogéographiques de la Suisse, les Alpes apparaissent clairement comme la région la plus riche. Le Plateau présente le moins d’espèces. Sur ce dernier, les forêts font partie des habitats les plus riches en espèces, surtout quand des éléments structuraux tels que rochers et/ou beaucoup de bois mort sont présents. Les gravières et les marais encore présents sur le Plateau sont cependant des habitats importants eux aussi. Ayant souvent perdu leur habitat sur le Plateau, les espèces prioritaires du point de vue de la protection de la nature se trouvent surtout aux altitudes plus élevées. Les mousses colonisent les substrats les plus variés. Quelques espèces sont hautement spécialisées sur un seul substrat, d’autres peuvent pousser sur de nombreux substrats différents. Les facteurs microclimatiques, le pH, l’humidité, la richesse en substances nutritives et la concurrence exercée par les plantes vasculaires sont les éléments qui déterminent la colonisation d’un substrat. Les espèces rares croissent en particulier là où règnent des conditions extrêmes, très sèches ou très humides, comme les prairies sèches et les marais.

Forêts et bosquets

Les forêts âgées, qui ont toujours compté des vieux arbres et qui présentent donc une grande continuité écologique, sont particulièrement précieuses pour les mousses. De plus, de nombreuses épiphytes (mousses qui poussent sur les arbres) rares sont inféodées aux forêts de feuillus humides. En forêt, on trouve également des espèces rares poussant au sol ou sur substrat rocheux, à la lumière ou à l’ombre. Les arbres isolés et les groupes lâches d’arbres hébergent une flore épiphyte un peu différente de celle des forêts. La Taylorie de Rudolphi (Tayloria rudolphiana), par exemple, est une endémique rare des Alpes du Nord et pousse presque exclusivement sur les vieux Erables sycomores des peuplements ouverts, au-dessus de 1 000 m.

Surfaces agricoles

De nombreuses espèces croissant au sol occupent les surfaces agricoles, en particulier les pelouses alpines, les zones dégagées dans les prairies sèches, ainsi que les vasières et les chaumes. Les vasières ont subi un fort recul suite au drainage du Plateau, entraînant dans leur déclin quelques espèces de bryophytes très rares. On peut trouver dans les chaumes quelques espèces de mousses caractéristiques des grandes cultures (messicoles), et adaptées aux perturbations régulières que connaît cet habitat. Quelques-unes de ces espèces bouclent leur cycle complet en un court laps de temps entre la fin de l’été et l’automne, d’autres parviennent à produire au moins des propagules asexuées durant cette période. Les spores des mousses messicoles peuvent survivre dans le sol plusieurs années et former une banque de diaspores. Les anthocérotes sont inféodées aux chaumes et ne peuvent se développer sur les pâturages que les années humides et s’ils présentent suffisamment de zones dégagées.

Zones humides

Les bryophytes des zones humides jouent un rôle important dans le stockage de l’eau et dans le cycle des éléments nutritifs. Elles dépendent d’une humidité constante et ne survivent généralement que peu de temps à une sécheresse complète. Les sphaignes (Sphagnaceae) sont les architectes des tourbières. Elles forment la tourbe : leur sommet croît en permanence, tandis que leurs parties inférieures ne se décomposent qu’incomplètement dans ces conditions humides et pauvres en oxygène. La tourbe est donc constituée en majeure partie de sphaignes qui ne sont pas complètement décomposées. La flore muscinale des bas-marais est plus diversifiée, avec avant tout des représentants de la famille des Amblystegiaceae. Les bryophytes marquent aussi de leur empreinte les bas-marais, par le tapis de plusieurs centimètres d’épaisseur qu’elles forment. De nombreuses espèces des bas-marais se trouvent aussi dans les prairies et forêts humides.

Rochers et falaises

Les exigences des bryophytes des milieux rocailleux sont très variées. La composition de la flore muscinale est très différente selon la teneur en calcaire, l’ensoleillement, l’altitude. On peut trouver des espèces rares sur les berges rocheuses temporairement immergées des lacs et rivières, les falaises des torrents de montagne, les blocs erratiques, ou les parois rocheuses alpines. Les mousses des berges des cours d’eau sont tributaires d’inondations régulières et d’une eau propre. Quelques espèces sont aussi présentes dans le milieu urbain, elles s’y développent sur les murs en calcaire, en grès ou en béton et sur les vieilles tuiles.


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De gauche à droite : La Taylorie de Rudolphi (Tayloria rudolphiana), épiphyte, croît presque exclusivement sur les vieux Erables sycomores (Acer pseudoplatanus). Les riccies (Riccia) ont besoin de sites dégagés avec un sol minéral, comme les champs ou les flaques temporaires. La Sphaigne de Magellan (Sphagnum magellanicum), de couleur rougeâtre, est une mousse typique des tourbières. La distribution des bryophytes dans les régions alpines, comme celle de l’espèce rare Trematodon brevicollis, a été trop peu étudiée jusqu’à maintenant.


Conservation et promotion

Mesures générales

La protection des mousses menacées passe en premier lieu par celle de leur habitat. On peut toutefois promouvoir à peu de frais de nombreuses espèces, pour lesquelles une grande diversité structurale sur une zone restreinte est importante. Indépendamment de l’espèce, chaque (petite) population est digne de protection, car beaucoup de mousses se reproduisent par voie végétative ou par autofécondation. La culture de bryophytes rares est difficile et n’est quasiment pas pratiquée en Suisse. Pour protéger les mousses, il est important de les prendre en considération lors d’interventions sur une surface étendue, comme en cas de déboisements ou de travaux de construction. Si on soupçonne la présence d’espèces rares, il faut contacter des expert-es, par exemple via Swissbryophytes. Quelques-unes des mesures mentionnées permettent des synergies avec la conservation des champignons et des lichens.

Les mesures générales suivantes sont précieuses pour la protection des bryophytes :

  • Conserver les habitats naturels ou proches de l’état naturel et revaloriser les habitats perturbés.
  • Protéger les populations existantes d’espèces rares/prioritaires et leur habitat
  • Garantir l’exploitation typique de la station
  • Conserver les vieux arbres et peuplements
  • Réduire l’utilisation d’engrais
  • Conserver ou restaurer le régime hydrique et la nappe phréatique naturels dans les zones humides
  • Restaurer la dynamique naturelle des cours d’eau dans les zones alluviales
  • Créer des zones-tampons pour la charge en substances nutritives en bordure des marais, et les respecter
  • Créer des réseaux fonctionnels d’éléments similaires servant d’habitat ; conserver et promouvoir des petits éléments structuraux tels que sources, mares, bois mort, tuf, zones de gravier ou de sable, blocs erratiques, etc.
  • Respecter l’interdiction de ramasser les espèces protégées

Forêt et bosquets

Protection des vieux bosquets et des arbres biotopes

En général, un mode de sylviculture préservant une bonne diversité de classes d’âge dans les peuplements et assurant l’existence de spécimens âgés est avantageux pour les espèces épiphytes. Une densité suffisante d’arbres biotopes, en particulier ceux de plus de cent ans, est essentielle pour les mousses spécialisées sur le vieux bois dont le potentiel de propagation est faible. La création de réserves forestières et de zones protégées est une mesure efficace pour protéger les vieux arbres et le bois mort qui les accompagne.

Une composition des essences et une pyramide des âges naturelles doivent faire partie des objectifs d’entretien de la forêt. La fonction d’arbre biotope de certains individus doit être planifiée à l’avance dans le peuplement. Lors des soins et de l’abattage, il faut sélectionner certains spécimens et les préserver comme arbres biotopes jusqu’à ce que les bryophytes qu’ils hébergent puissent coloniser les arbres plus jeunes parvenus à maturité. Si des interventions sont nécessaires pour des motifs de sécurité, elles doivent rester les plus légères possibles.

Création de zones de forêt claires

L’exportation des feuilles mortes et le pacage en forêt qui ont eu cours jusqu’au 19ème siècle ont été favorables à quelques espèces de mousses peu concurrentielles qui ont aujourd’hui pratiquement disparu. L’évacuation de la litière et les perturbations régulières, notamment par le pâturage, peuvent localement amaigrir le sol forestier et créer des habitats pionniers. Ces nouveaux habitats sont intéressants surtout la première année pour les bryophytes rares. On peut, en plus, créer par endroits une forêt claire en pratiquant des coupes rases à petite échelle, en éclaircissant les couronnes ou en enlevant des pieds isolés. Il faut dans ce cas veiller à épargner quelques gros arbres.

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Conserver le bois mort et les petits éléments structuraux

Il semblerait que le volume de bois mort joue un rôle en particulier pour les mousses qui se reproduisent uniquement par voie végétative. Aucune étude précise n’existe encore toutefois sur le volume de bois mort nécessaire. Les recommandations de BirdLife Suisse pour les champignons qui visent un volume de bois mort de 60 m³/ha sont certainement aussi adéquates pour les mousses ; ce volume préconisé est en tout cas déjà nettement supérieur à celui qu’on trouve actuellement dans nos forêts. Le plus important est de conserver les troncs couchés. Le bois des résineux et celui des feuillus se distinguent quelque peu dans la composition de la flore muscinale qui les colonise, c’est pourquoi la meilleure tactique est de laisser du bois mort des deux sortes. Les arbres morts sur pied – bois mort debout – sont par contre moins intéressants pour les mousses. Un réseau fonctionnel nécessite une mise en réseau de petits éléments structuraux. Dans ce domaine, un grand nombre de mesures modestes peut déjà être très utile, par exemple laisser les disques racinaires et les souches, en particulier dans les versants ombragés.

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Information générales

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Les mousses messicoles profitent des chaumes et des jachères qui sont laissées en place jusqu’à la fin de l’été.

Surfaces agricoles

Attendre la fin de l’été pour labourer les champs et les jachères

Depuis la mise en œuvre des nouvelles mesures de protection des sols au milieu des années 2000, les champs sont labourés juste après la moisson, ou ensemencés pour l’hiver avec de l’engrais vert, dans la plupart des cas au plus tard à mi-septembre, ce qui ne laisse pas le temps aux mousses messicoles de se reproduire. La protection de celles-ci voudrait qu’on laisse régulièrement (tous les 3 à 5 ans) les chaumes ouverts et non labourés jusqu’à fin octobre/début novembre au moins, dans les endroits qui s’y prêtent. Les surfaces de promotion de la biodiversité (SPB) qui présentent des zones de sol nu et ne sont pas touchées jusqu’en hiver sont également favorables aux mousses messicoles, comme le Phéocéros de Caroline (Phaeoceros laevis subsp. carolinianus). Une étude montre que les surfaces de promotion de la biodiversité (SPB) éphémères âgées de 0 à 3 ans et les champs exploités conventionnellement présentent une banque de diaspores de diversité spécifique similaire, et, par là, qu’une exploitation adaptée permet le développement d’une riche flore muscinale. Les connaissances manquent encore sur la densité optimale des chaumes et des SPB.

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16 Conserver des zones de sol nu en cas d’enherbement

Une structure en mosaïque avec des zones de sol nu ou des bandes latérales laissées libres est précieuse pour les bryophytes. Ajouter des pierres ou des sédiments fins en guise de substrat est un bon moyen de conserver des surfaces dégagées. L’enherbement direct amène surtout des mousses résistantes qui peuvent former des tapis denses ; les espèces peu concurrentielles et à courte durée de vie, qui dépendent de milieux ouverts, ne sont pas représentées. Par conséquent, il faut faire en sorte qu’une couverture végétale clairsemée puisse se développer lorsqu’on utilise la technique de l’herbe à semences ou celle de l’ensemencement.

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Informations générales

Pacage extensif ou fauche régulière

On trouve dans les prairies sèches tout un éventail de bryophytes typiques qui ne poussent pas dans les prairies plus grasses car la concurrence avec les plantes à fleurs y est trop rude. Les prairies extensives également peuvent comporter de très nombreuses espèces. L’arrêt ou au contraire l’intensification de l’exploitation des prairies et des pâturages provoque un rapide recul des mousses. Les groupes d’arbustes dans les prairies et pâturages secs ont un effet tout à fait positif sur les mousses car ils peuvent représenter un habitat pour les épiphytes thermophiles.

Mesures recommandées :

  • Renoncer à l’apport d’engrais et à l’irrigation afin de garder des zones de sol nu
  • Pacage extensif avec une faible densité de bêtes et sans affouragement afin d’éviter l’apport d’éléments fertilisants
  • Une seule coupe suffit à empêcher l’embroussaillement
  • L’évacuation des résidus de coupe après la fauche est absolument indispensable, sous peine de recouvrir les mousses et d’enrichir la prairie en éléments nutritifs
  • Pour créer des zones de végétation clairsemée pour les mousses peu concurrentielles, on peut éliminer à la main la couverture dense des mousses formant des tapis, en les ratissant complètement sur quelques secteurs choisis.

Mesures spécifiques pour les pâturages et forêts d’altitude

  • Conserver une exploitation extensive, car un abandon mène à un recul des bryophytes
  • Poser une clôture autour des mares présentes pendant la période de pâture
  • Conserver les Erables sycomores sur les pâturages et remplacer les arbres morts

Autres mesures sur les surfaces agricoles

  • Ne pas laisser le matériel végétal broyé (mulch) sur place : Les bryophytes qui utilisent le sol comme substrat ne peuvent pas pousser à travers une couche de paille ou de litière et meurent sous cette couverture, exactement comme les lichens se développant au sol. De plus, l’augmentation des éléments nutritifs disponibles renforce la pression de concurrence exercée par les plantes vasculaires. Pour ces raisons, il faut renoncer à la pratique consistant à laisser sur place le matériel végétal broyé, haché ou la litière (mulching).
  • Epandre du fumier à la place du purin : Le purin est fatal pour les mousses, elles ne survivent pas à la concentration élevée d’éléments nutritifs. De plus, il augmente la concurrence par les plantes à fleurs. Un apport modéré/occasionnel de fumier est beaucoup mieux supporté par les mousses.
  • Laisser des zones de végétation clairsemée dans les vignes : Les vignes constituent un habitat important pour des mousses rares croissant au sol ou épiphytes. Les mousses terricoles poussent surtout dans les endroits épargnés par le passage des véhicules et qui présentent une couverture végétale clairsemée.
  • Conserver et promouvoir les haies et buissons : Les haies et les buissons âgés en lisière de forêt peuvent abriter des espèces rares.
  • Ne pas toucher les glissements de terrain : laisser les glissements de terrain en l’état, dans la mesure où ils ne présentent pas de danger.
  • Utiliser des matériaux minéraux pour la construction de chemins perméables : La bande centrale des chemins de terre peut accueillir des bryophytes rares si elle n’est pas trop envahie par les plantes vasculaires. Le revêtement de ces chemins est le plus souvent constitué de gravier calcaire ou de matériaux similaires.
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Le Bryum de Schleicher (Bryum schleicheri) pousse sur la terre et les pierres humides, par exemple dans les suintements et au bord des ruisseaux et des mares.

Zones humides et cours d’eau

Aménager des plans d’eau temporaires

S’agissant des mares temporaires, la protection des bryophytes va de pair avec celle des amphibiens. Les vasières humides autour des étangs et des lacs permanents qui sont à sec pendant plus de 3-4 mois sont essentielles pour quelques espèces rares. Lorsqu’on aménage de nouveaux étangs, il faut s’assurer que le fond de ceux-ci ainsi que les rives présentent des zones argileuses. Les secteurs graveleux ne sont pas colonisés. Lors de la mise en place de plans d’eau, des synergies avec la conservation des amphibiens peuvent être utilisées.

Fauche ou pacage extensifs

En complément du chapitre « Pacage extensif ou fauche régulière », ci-dessous des recommandations spécifiques aux zones humides :

  • Les prairies humides et les marais à petites laîches doivent être fauchés ou pâturés extensivement ; abandonner l’exploitation conduit rapidement à la disparition des bryophytes typiques
  • Le pacage extensif est bénéfique dans les bas-marais
  • Pratiquer le pacage extensif partiel sur certains marais d’altitude pour favoriser les mousses qui se développent sur les excréments et les espèces tributaires de perturbations

Blocs erratiques et gravières

Ne pas nettoyer les blocs erratiques du Plateau et du Jura

Tous les blocs erratiques acides du Plateau et du Jura constituent des habitats importants pour des mousses rares qui sont par ailleurs quasiment absentes de ces zones géographiques, et qu’on ne retrouve que dans la Forêt-Noire ou les Alpes. Il faut en particulier renoncer à nettoyer les rochers, ou sinon faire examiner auparavant les blocs erratiques par un bryologiste car la détermination des espèces rares est difficile pour le profane. Escalader les blocs peut aussi causer des dégâts. Il faut décider au cas par cas si l’escalade peut être autorisée dans certaines zones, et si l’utilisation de la magnésie est tolérée.

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Informations générales

Gravières

Les gravières peuvent représenter un habitat de substitution intéressant pour les mousses, avant tout sur le Plateau, intensivement exploité. Elles offrent en effet de nombreuses zones ouvertes et pauvres en substances nutritives, quasiment absentes du paysage normal. Il faut conserver les falaises éventuelles (p. ex. Nagelfluh sur le Plateau), car des espèces rares telles que les Aloina ou Pterygoneurum ovatum peuvent s’y trouver.

Milieu urbain

Tenir compte du potentiel de porteur des arbres qui seront plantés

Lors de la plantation de nouveaux arbres dans les agglomérations, il vaut la peine de prendre en considération leur rôle potentiel de phorophyte – c’est-à-dire leur aptitude à servir de support aux mousses – pour le choix des essences. Les bryophytes sont moins strictement inféodées à l’espèce que les lichens. L’âge, la structure de l’écorce et le pH des feuillus jouent cependant un grand rôle pour les mousses épiphytes également.

Les arbres qui conviennent bien comme phorophytes sont les suivants :

  • Chênes (Quercus), erables (Acer), Frêne commun (Fraxinus excelsior), hêtres (Fagus), peupliers (Populus), pommiers (Malus), Sapin blanc (Abies alba), saules (Salix) et sureaux (Sambucus)

Les arbres qui ne conviennent pas comme phorophytes sont les suivants :

  • Epicéa (Picea abies), noyers (Juglans) et pins (Pinus)

Eriger des murs en pierres naturelles ou des gabions

Les vieux murs et mortiers sont un très bon substrat pour les mousses, indépendamment de la station. Comme les mousses ne portent pas atteinte à la matière murale, il faut renoncer à nettoyer toute la surface. Les gabions sont moins favorables que les murs en pierre naturelle, mais peuvent être intéressants si des pierres en granit sont utilisées dans une région calcaire. Autrement, il est en principe recommandé d’employer des pierres typiques de la région. Pour permettre une colonisation par les bryophytes, les gabions doivent rester en place longtemps et ne pas être envahis de plantes à fleurs.

Mesure complémentaires en milieu urbain

  • Conserver les vieilles clôtures et cabanes en bois : Quelques mousses du bois mort peuvent aussi coloniser granges, clôtures, tuteurs d’arbres fruitiers et piquets de vigne. Ne pas imprégner ni peindre le bois et, dans la mesure du possible, ne pas nettoyer ultérieurement.
  • Conserver les vieilles tuiles : Les vieilles tuiles peuvent abriter des espèces de mousses et doivent être si possible conservées.

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La Breutélie (Breutelia chrysocoma) croît dans les prairies et pâturages maigres à humidité variable. Elle est dépendante d’une exploitation extensive de son habitat qui prévient la transformation en jachère.

Protection des espèces

La protection des bryophytes nécessite des actions pour de nombreuses espèces. Les informations actuelles sur la répartition et le statut de protection des mousses de Suisse sont publiées sur le site internet de Flore des bryophytes de Suisse et accessibles au public. Les cantons ont accès à toutes les observations enregistrées dans les centres de données floristiques, faunistiques et mycologiques grâce au « Virtual Data Center VDC ». Les données peuvent ainsi être aisément prises en compte dans les projets qui touchent à la protection de la nature.

Parmi les 1 100 espèces et sous-espèces de mousses actuellement connues en Suisse, 420 figurent sur la Liste prioritaire des bryophytes de Suisse (2011). La plupart des espèces prioritaires poussent aux étages alpin et subalpin. Une Prioritätenliste für Pilze, Flechten und Moose (2006) a été établie spécialement pour le canton de Berne. Informations supplémentaires sur les priorités dans la protection des mousses au niveau cantonal et européen

Il existe un grand nombre de fiches sur les espèces qui présentent les mesures de conservation recommandées :

▪ Fiches pour la protection d’autres espèces, publiées par Ris, E. & Schnyder, N., éditées par le WWF Suisse en 2012 :

Allemagne

Menaces

Les espèces de bryophytes menacées se trouvent dans tous les milieux. Cependant, la proportion d’espèces de la Liste Rouge est la plus grande dans les surfaces agricoles, par exemple les pelouses sèches et les champs. Il s’agit toutefois d’un nombre relativement restreint d’espèces. La majorité des espèces de la Liste Rouge se trouvent en forêt, dans les stations humides (surtout marais) et sur rocher. Le degré de menace des bryophytes des stations humides serait toutefois revu à la hausse aujourd’hui par rapport à la Liste Rouge de 2004, car malgré la protection des marais, leur qualité diminue. Un rapport de l’OFEV sur État et évolution des marais en Suisse (2007) et les études actuelles montrent que la tendance au recul des espèces se poursuit. Une évaluation actualisée du degré de menace des bryophytes est donc d’autant plus nécessaire ; cette actualisation deviendra réalité dans la nouvelle Liste Rouge prévue pour 2020.

Les menaces qui pèsent sur les mousses ont principalement les causes suivantes :

  • Perte et fragmentation de l’habitat
  • Diminution de la qualité de l’habitat dans les zones humides et alluviales
  • Disparition de la dynamique des cours d’eau due à l’exploitation de l’énergie hydraulique (débits résiduels trop faibles, éclusées)
  • Eutrophisation de l’eau et des habitats terrestres oligotrophes
  • Manque de mares temporaires
  • Manque de vieux arbres à large échelle
  • Utilisation d’engrais artificiels et de purin
  • Disparition des chaumes en zone agricole
  • Déplacement et nettoyage des blocs erratiques et pratique de l’escalade

Les néophytes ne sont pas un grand problème chez les bryophytes. Seul le Torpied exotique (Campylopus introflexus), originaire de l’hémisphère sud, pose problème par endroits sur sols nus tourbeux ou acides. Informations supplémentaires sur les mousses et les néophytes

Ce qu’on ignore encore

En général

  • On manque de connaissances concrètes sur la promotion des espèces rares ; en général seule la protection de l’habitat est préconisée
  • Distribution précise de nombreuses espèces
  • Causes précises de menace pour les espèces rares

Forêt et bosquets

  • Volume de bois mort nécessaire en forêt
  • Colonisation des arbres par les épiphytes selon l’âge des arbres
  • Influence du type de sylviculture sur la flore muscinale et importance du pacage en forêt
  • Flore muscinale des sapins âgés
  • Présence des bryophytes rares sur les arbres fruitiers à haute tige

Surfaces agricoles

  • Longévité et pouvoir germinatif des diaspores dans le sol
  • Espèces animales privilégiées pour le pacage sur les surfaces agricoles
  • Présence d’espèces rares sur les buissons des prairies sèches
  • Flore muscinale des haies
  • Potentiel de valorisation des vignobles

Milieu urbain

  • Recherches à long terme sur la colonisation des gabions
  • Potentiel des toits plats comme habitat

Régions alpines

  • En regard de leur surface importante et de leur grande diversité de mousses, les Alpes sont beaucoup trop peu étudiées en ce qui concerne la répartition, la tendance des populations et les facteurs de menaces possibles
  • Quelques espèces alpines n’ont plus été observées depuis des décennies (p. ex. Voitia nivalis ou Atractylocarpus apinus)

Exemples pratiques

  • Pro Natura a lancé le projet « Flore messicole » pour la conservation des plantes messicoles rares. Le projet court de 2012 à 2020. Les mousses messicoles menacées font aussi partie des végétaux à conserver. Informations supplémentaires sur les projets et les mesures mises en œuvre
  • Les exemples concrets de renaturation de tourbières sont traités dans l’article sur les zones humides.
  • Nous n’avons pas connaissance d’autres projets de conservation des bryophytes terminés, hormis ceux concernant les tourbières. Nous accueillons donc avec plaisir vos propositions par e-mail.

Liens généraux

Littérature recommandée

Littérature concernant la pratique

  • Schröck, C., Köckinger, H. & Schlüsslmayr, G. (2014). Katalog und rote Liste der Moose Oberösterreichs. Linz, Oberösterreichisches Landesmuseum.
Ce livre comprend une analyse détaillée de l’écologie, des facteurs de menace et de la répartition des mousses en Autriche. A cela s’ajoutent des mesures de protection générales et spécifiques recommandées pour chaque espèce, dont la pertinence s’étend au-delà des frontières autrichiennes. Le livre est disponible en format PDF.
  • Urmi, E., Schnyder, N. & Hofmann, H. (2007). Zwei Jahrhunderte Bestandesentwicklung von Moosen in der Schweiz - Retrospektives Monitoring für den Naturschutz. Bern, Haupt Verlag.
La flore des bryophytes de Suisse est prise comme exemple pour présenter une méthode de surveillance de l’évolution des populations en écologie. Des espèces rares et d’autres, fréquentes, y sont traitées. L’analyse des herbiers existants montre le déclin de certaines espèces, mais aussi la progression de quelques autres. Des recommandations générales et spécifiques concernant la protection des mousses complètent l’ouvrage.
  • Bergamini, A. (2015). Moose im Kanton Schaffhausen. Schaffhausen, Naturforschende Gesellschaft.
Malgré le titre, le livre ne traite pas uniquement des bryophytes du canton de Schaffhouse, mais offre sur les 60 premières pages une introduction sur la biologie et l’écologie des mousses facilement compréhensible et richement illustrée. Le chapitre sur les menaces et la protection des mousses dans le canton de Schaffhouse montre les habitats locaux et les bryophytes à protéger.

Ouvrages de détermination

Auteurs